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Saturday, August 22, 2020

Chevaux mutilés et tués : Psychose sur les haras - Paris Match

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Depuis six ans, des sadiques s’en prennent aux vieilles juments comme aux chevaux de course. La terreur règne. 

Elles ont passé des nuits sans sommeil, bouleversées par ces crimes abjects. Mélissa, Lydie et Stéphanie sont toutes obsédées par un détail : cette oreille coupée que le ou les tueurs ont emportée avec eux. Rivées à leurs ordinateurs, elles ont échafaudé toutes sortes d’hypothèses, pensé aux rituels sataniques, aux traditions tauromachiques lorsqu’on récompense le torero en lui offrant les oreilles du taureau qu’il a tué… Lydie s’est même penchée sur l’histoire des cavaliers de l’Apocalypse, qui auraient accompli de tels sacrifices après une pandémie. Rien ne les a convaincues.
La jument paint horse de presque 3 ans s’appelait Helsa Trois Vallées. Quand Mélissa Véron l’a achetée il y a un an pour quelques centaines d’euros, elle n’intéressait personne ; elle était aveugle d’un œil et atteinte d’une hernie ombilicale. « Bien sûr, ce n’était pas une jument de prix, mais, pour moi, elle avait une grande valeur sentimentale », explique Mélissa.

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Ce jeudi 14 mai, il était 8 h 30 environ quand, avec son conjoint, Jordan, elle l’a découverte sur sa pâture, à Berny-en-Santerre, dans la Somme. Après être passée aux écuries, Mélissa voit sa jument couchée dans l’herbe, morte. A la place de son oreille droite, il n’y a plus qu’un trou. La vétérinaire qui certifie le décès mentionne dans son rapport « une plaie énorme » de 30 centimètres de diamètre, un découpage très net qui a aussi emporté une partie de la peau et des muscles. « C’était creusé à l’intérieur », se rappelle Mélissa.

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Sous la jument, on relève peu de sang, ce qui laisserait supposer que l’oreille a été prélevée post mortem. Sur le corps, pas d’autres blessures mais un peu de sang sur la vulve et un coup sur la lèvre supérieure que Mélissa attribue à un « tord-nez », cette corde attachée à un manche utilisée pour immobiliser l’animal et que des brutes passent parfois autour de l’oreille, encore plus fragile. A une cinquantaine de mètres se trouvent plusieurs maisons, mais leurs propriétaires n’ont rien entendu. Seule une autopsie permettrait d’avoir des certitudes, mais lorsque, quatre jours plus tard, les équarrisseurs arrivent enfin la dépouille est bien trop dégradée.

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Les gendarmes ont rassuré François Lavoisier, à la tête, avec son père, de la ferme familiale adjacente. Il possède quatre chevaux et en héberge quatre autres. Ce type d’acte ne se produit jamais deux fois au même endroit, disent-ils. Mais trois jours plus tard, le 17 mai, c’est Pacha, une ponette pure shetland, qui est retrouvée morte dans les mêmes circonstances. Lydie Cerisier, sa propriétaire, l’avait récupérée auprès d’une association il y a cinq ans. « Une bête qui en avait vu », dit Lydie. Volée, abandonnée, maltraitée. Comme pour Helsa, aucune autopsie n’a été pratiquée. Du sang a été prélevé mais les analyses toxicologiques, surtout utilisées pour enrayer le dopage, « ne ciblent que 17 substances, donc si un autre poison a provoqué la mort, on n’en saura rien », explique François. L’électrocution ? Aucun point d’impact n’est visible, et selon Valérie Deniau, vétérinaire équine à la clinique de Grosbois, il faudrait « une très forte décharge », comme celle d’une ligne de courant.

Stéphanie Gachelin, elle, gère une écurie de 25 têtes à Quierzy, dans l’Aisne, à une cinquantaine de kilomètres de Berny-en-Santerre. C’est presque un mois plus tôt, le 22 avril au matin, qu’elle a découvert l’une de ses juments massacrée. Sainte Riquet, 2 ans, un cheval de course, dont le prix est estimé entre 150 000 et 200 000 euros. La mère de l’animal, Kada Riquet, a gagné de nombreux trophées et le père, Saint des Saints, est un reproducteur coté ; sa saillie peut valoir jusqu’à 20 000 euros ! La pâture, à quelques dizaines de mètres des premières maisons, est bordée d’un étroit chemin sans issue. A cause de la chaleur, six des chevaux, qui avaient encore leurs poils d’hiver, dormaient dehors depuis une quinzaine de jours.

Mélissa avec Helsa Trois Vallées, son paint horse, à Berny-en-Santerre.

Mélissa avec Helsa Trois Vallées, son paint horse, à Berny-en-Santerre. © DR

Vers 2 heures du matin, les voisins les ont entendus galoper, mais ils n’ont pas imaginé qu’ils pouvaient être en danger. « Sainte Riquet était un peu farouche mais gentille, elle se laissait facilement attraper », raconte Stéphanie. Elle a été égorgée et lacérée à la cuisse. Son oreille a été tranchée de manière très nette, mais juste à la moitié. Malgré la requête du procureur de Laon, la dépouille, trop abîmée, n’a pas pu être autopsiée. Les analyses toxicologiques n’ont rien donné. Seule l’entaille à la cuisse pourrait constituer un indice : la forme de la blessure est la même que celle infligée au cheval d’Olivier Garcia, artiste équestre et dresseur de Montfavet, au sud d’Avignon, dont l’animal, agressé, a survécu. Stéphanie pense qu’elle pourrait avoir été causée par un épieu, le bâton prolongé d’une lame utilisé pour la chasse au gros gibier.

Au fil de leurs recherches, les trois femmes ont été surprises de découvrir nombre de cas similaires. Le dernier date du 8 août : sur la commune de Cortambert, en Saône-et-Loire, une pouliche de 18 mois a été retrouvée morte dans un pré. Elle a subi des sévices, dont des coups de couteau au thorax, et l’une de ses oreilles a été coupée post mortem. Mais, en France, le premier meurtre de ce type a été commis à Usson-en-Forez, dans la Loire, en janvier 2014.

Certificat de décès d’Helsa Trois Vallées, établi par la vétérinaire le 14 mai 2020.

Certificat de décès d’Helsa Trois Vallées, établi par la vétérinaire le 14 mai 2020. © DR

Nouvel acte barbare en novembre 2017 à Cieurac, dans le Lot. Puis les atrocités s’enchaînent : le 1er décembre 2018 à Loubeyrat, dans le Puy-de-Dôme, First Avenue, une pouliche de 3 ans, est abattue. Dans la même commune, le 16 juin 2019, c’est au tour d’Oasis, une jument de l’Ecole nationale d’ostéopathie animale de Châtel-Guyon. Même chose le 12 février 2020, mais cette fois en Moselle, dans la ferme du lycée agricole de Château-Salins. Puis trois jours plus tard, au Girouard, en Vendée, le fils de l’entraîneur Philippe Boutin découvre Démon du Médoc, un célèbre trotteur, sans vie. Là encore, pas de coups. Pour ces deux derniers cas, les autopsies n’ont rien donné : aucune trace de poison dans le sang. Et, à chaque fois, l’oreille droite a été sectionnée. Rebelote le 1er avril, en vallée de Chevreuse, avec une ponette connemara de 4 ans. La responsable du haras décrit un trou dans l’encolure « d’environ 30 centimètres, profond, avec des coupures nettes ». Mais cette fois, c’est l’oreille gauche qui a été prélevée.

Rituels religieux ou sectaires, actes de sorcellerie ?

Puis, en moins de quinze jours, les 6 et 19 juin, une jument et un âne sont massacrés en Seine-Maritime, à Martin-Eglise et à Grumesnil. Un mois plus tard, le 19 juillet, un autre animal est retrouvé mort dans un sous-bois de Plailly, dans l’Oise. Disparu depuis une dizaine de jours, il a un œil crevé, une plaie à la jugulaire, des traces de brûlures et ses organes génitaux ainsi que son oreille gauche ont été prélevés. Enfin, le 2 août, à Saint-Germain-lès-Arpajon, dans l’Essonne, un poney a été tué : l’oreille droite coupée, il a été blessé à la gorge, au flanc et au thorax. Les Fondations Brigitte-Bardot et 30 Millions d’amis comptent se porter partie civile dans certaines de ces affaires. Selon le Code pénal, de tels actes sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, assortis d’une interdiction de détenir des animaux ou d’exercer une activité professionnelle en lien avec eux. Une pétition en ligne a déjà recueilli plus de 72 000 signatures.

Alors, rituels religieux ou sectaires, actes de sorcellerie ? Une veille Internet a été mise en place pour surveiller d’éventuels défis. A ce stade, admettent les gendarmes, aucune piste n’est privilégiée. Aucun de ces actes n’a été revendiqué. Ils concernent des animaux de toutes races, des deux sexes, de toutes valeurs, sur n’importe quel lieu. Impossible de savoir s’ils sont l’œuvre d’un groupe ou d’un seul individu, si les faits sont liés ou isolés. Aucun des propriétaires victimes n’a le même profil, ce qui semble exclure l’idée d’une vengeance. Quatre enquêtes ont déjà été ouvertes pour actes de cruauté, et les unités locales de gendarmerie coordonnent leurs efforts sous l’égide de l’Oclaesp, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. Un message a également été diffusé auprès des autres pays européens. La Grande-Bretagne, l’Allemagne et la Belgique ont déjà eu à gérer des affaires similaires. « Il y a des rapprochements à faire, soit dans le mode opératoire, soit dans le type de trophée emporté », affirme-t-on côté gendarmerie.

Depuis 2016, la maltraitance animale est considérée par le FBI comme un crime de classe A, passible d’emprisonnement

« Tout cela n’est pas à prendre à la légère, dit Mélissa. Ces gens peuvent s’entraîner sur des animaux pour savoir comment tuer des humains. » Luka Rocco Magnotta, qui avait assassiné et découpé son amant en mai 2012, s’était fait connaître sur les réseaux sociaux par une vidéo abjecte où il enfermait deux chatons dans un sac plastique avant d’y percer un trou, d’enlever l’air avec un aspirateur, les tuant par asphyxie. Pour de nombreux tueurs en série, la torture animale n’est qu’une étape. Ed Kemper, « l’ogre de Santa Cruz », avait enterré vivant son chat avant de lui couper la tête. Albert DeSalvo, « l’étrangleur de Boston », plaçait des chiens et des chats dans des boîtes avant de les mettre à mort avec un arc et une flèche. Dans une étude réactualisée en 2003, les psychiatres Wright et Hensley montrent comment certains individus humiliés dans leur enfance reprennent le pouvoir en torturant et en tuant des animaux, et comment ils peuvent reproduire ce comportement sur leurs semblables.

Depuis 2016, la maltraitance animale est considérée par le FBI comme un crime de classe A, passible d’emprisonnement, au même titre que les homicides ou les incendies criminels. Cette démarche n’est pas uniquement dictée par le souci du bien-être animal. Le FBI espère ainsi repérer des individus potentiellement dangereux. D’autres travaux menés dans les prisons et les établissements psychiatriques américains ont démontré que près de 70 % des criminels violents ont démarré leur parcours de tueur en torturant des animaux.

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August 22, 2020 at 12:25PM
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